Autour de l'aïkido
TENKAN
Les fondements de l'aïkido par Tamura sensei
Ten veut dire : transposer, transférer, changer, évoluer. L’idéogramme ten est composé de
deux éléments, l’un signifiant : roue, l’autre évoquant un mouvement tournant, circulaire.
Kan : échanger. Tenkan est employé avec le sens de changer de direction, de ligne de
conduite, d’état d’esprit.
En aïkido, je crois que ce mot est utilisé parce que souvent, pour effectuer un mouvement, on
pivote et que dans ce mouvement, en changeant de direction, le geste est rond et donne
l’image de la roue qui tourne.
Considérez votre cas. Du fait de votre rotation, vous avez changé, soit de place, soit
d’orientation. Tout changement d’état ou de position est tenkan. C’est pourquoi irimi-tenkan
sont l’endroit et l’envers d’une même chose.
URA OMOTE
Les fondements de l'aïkido par Tamura sensei
Une technique en aïkido a deux aspects : ura waza – omote waza.
Ura représente principalement l’envers, le verso, le dos, l’aspect caché des choses.
Omote : l’endroit, la surface, l’extérieur, la façade, l’aspect apparent des choses.
Dans tout, il y a omote – ura. L’homme lui-même a une face et un dos.
On peut également utiliser omote – ura dans le sens : extérieur et intérieur. On peut avoir, par
exemple, le visage souriant et le chagrin au coeur, ou encore, l’apparence du Bouddha et être
dépourvu de sang et de larmes.
En classifiant grossièrement, on dira, omote waza des techniques exécutées en entrant face à
l’adversaire et ura waza des techniques en entrant derrière l’adversaire. Certaines techniques
sont possibles en omote waza et en ura waza, d’autres en omote waza seulement ou au
contraire en ura waza.
J’entends par là que, placées dans la vérité du combat, ces techniques qui manquent sous une
certaine forme n’ont pas d’application pratique.
Cette classification en omote waza et ura waza a probablement été introduite pour faciliter
l’entraînement, cependant une part essentielle de la pratique consiste à rejeter cette
classification, à refuser de s’y laisser enfermer.
TAI SABAKI
Les fondements de l'aïkido par Tamura sensei
Il semblerait qu’en Europe, tai sabaki soit généralement traduit par déplacement. Je pense que
cela ne transmet pas de manière très exacte le sens de tai sabaki tel que nous l’utilisons en
aïkido.
Je vais tenter de vous apporter quelques éclaircissements.
L’idéogramme sabaki est composé de deux éléments : la main et le verbe séparer (qui
contient l’idée de désarticuler avec un couteau). Par extension, le verbe sabaku, est utilisé
dans des expressions signifiant des actions aussi variées que : vendre, distribuer, régler des
dossiers, démêler une affaire… Un homophone de sabaki qui s’écrit avec un autre
idéogramme se traduit par couper un vêtement, juger. Sabaku : redresser un désordre, décider
de ce qui est juste ou faux, disperser des marchandises, faire ce qu’il se doit.
Tai : le corps. Donc tai sabaki signifie qu’au moment où un objet, un homme, tente de vous
atteindre, qu’au moment où un ennemi vous attaque, jugeant de votre position relative, soit
vous vous déplacez, soit vous bougez simplement une partie du corps, rétablissant ainsi, la
situation à votre avantage.
Rétablir la situation à votre avantage n’est pas seulement garder l’équilibre, se mettre à
l’abri… C’est aussi se placer dans une position d’attaque opportune.
Le tai sabaki de l’aïkido demande encore davantage : perturber l’équilibre de Aïte, dans
l’instant même de l’action, et, suite logique, l’amener dans une position telle qu’il ne puisse
plus se mouvoir.
Alors qu’Aïte avait quatre-vingt-dix-neuf pour cent des chances de l’emporter, votre tai
sabaki a renversé la situation. C’est cela tai sabaki.
ATEMI
Les fondements de l'aïkido par Tamura sensei
Pour beaucoup de gens, aujourd’hui, le mot atemi désigne le coup de poing du karaté, parce
qu’au karaté, le but de l’entraînement, est de détruire l’adversaire d’un coup de poing ou de
pied.
Et j’écris ce chapitre, parce que d’aucuns croient qu’il n’y pas d’atemi dans l’étude de
l’aïkido.
Certes, dans la pratique actuelle de l’aïkido, on a supprimé l’atemi pour éliminer le risque de
blesser le débutant, également pour éviter que le pratiquant privilégie l’étude de l’atemi au
détriment de la technique, aussi pour empêcher des étudiants à l’esprit mal tourné d’en faire
un mauvais usage alors qu’ils auraient progressé dans la technique.
Donc ceux qui affirment qu’il n’y a pas d’atemi en aïkido, connaissent moins que rien de
l’aïkido. O Sensei définissant l’aïkido dit : « l’aïkido est irimi et atemi ». Toutes les
techniques de l’aïkido incluent l’atemi. Étymologiquement, ateru exprime l’idée d’estimer et
d’évaluer avec précision la surface et le prix d’un champ. Par extension nous aurons : placer
exactement, tomber juste à l’endroit voulu, au centre de la cible, par exemple. A l’idée
d’estimer, évaluer, s’ajoute donc la notion de succès.
Mi : le corps. Dans l’ancien Budo, atemi consistait à frapper les points vitaux de l’adversaire,
pour provoquer une perte de connaissance ou la mort. Blesser en surface ou même briser un
os n’est pas un atemi.
En aïkido l’atemi est aussi utilisé pour dominer la volonté d’attaque, provoquer une douleur
aux points vitaux, perturber la concentration de l’adversaire, stopper son intention d’action.
De ces atemi légers, on passe aux atemi qui provoquent l’évanouissement ou la mort. Il est
bon de les étudier en pensant à l’utilisation du couteau. Évidemment, ce travail doit
comprendre l’étude des points de réanimation. Si vous étudiez les points de l’acupuncture,
telle qu’elle s’est récemment développée, j’espère que vous comprendrez que les points qui
peuvent apporter la guérison, peuvent aussi donner la mort. C’est un bon exemple qui montre
qu’il y a en tout, ura et omote.
Quand vous aurez atteint un niveau d’étude élevé, il sera bon que vous découvriez, en cours
d’exercice, la possibilité de placer ici ou là, un atemi.
KOKYU RYOKU
Les fondements de l'aïkido par Tamura sensei
Vous pouvez pratiquer l’aïkido si vous pouvez soulever trois onces de son. Cela revient à dire,
que l’aïkido n’est pas un art de combat corps à corps, fondé sur l’utilisation de la force
physique et musculaire.
Le travail de la technique en aïkido, se fait en utilisant pleinement l’énergie mentale et
rationnellement la force physique. D’où l’expression employée plus haut. Si l’on utilise cette
méthode, il est possible de développer une force supérieure à celle que l’on croit posséder.
Lorsque nous disons que les personnes âgées, les femmes, les enfants peuvent pratiquer, cela
ne signifie pas seulement qu’ils peuvent s’entraîner, mais bien qu’ils peuvent appliquer cette
voie au combat, après l’avoir comprise.
J’ai déjà effleuré plus haut le kokyu ; dépassons maintenant le stade de la respiration
physiologique pour absorber en nous-mêmes l’énergie de l’Univers ; allons plus loin encore et
fondons-nous en un seul corps avec l’Univers. La force qui en découle est nôtre ; sans être
nôtre, car en réalité, c’est l’énergie de l’Univers qui surgit de notre corps. Cette force
accumulée dans le seika tanden pour emplir toutes les parties du corps, semblable à l’eau qui
jaillit et jamais ne s’arrête, cette force émanant d’un corps et d’un esprit toujours calmes,
sereins, détendus pour répondre à la nécessité en tout temps et dans la direction voulue, cette
force s’appelle le kokyu ryoku.
Cette force, cadeau du Ciel, ne pourra s’exprimer, ni si votre nuque, vos épaules, vos bras sont
inutilement contractés, ni si vous vous imaginez être fort ou au contraire incapable, ni si vous
croyez que cette force ne peut exister. Tous ces déchets, toutes ces impuretés sont autant de
barrages sur le passage du ki. C’est un peu comme un tuyau qui serait pincé, écrasé par un
pied ou bouché par de la terre et dont l’eau ne pourrait s’écouler, alors que l’ayant branché sur
un robinet, vous vous apprêtez à arroser un jardin.
O Sensei répète souvent : « l’aïkido est une purification du corps et de l’âme, c’est décrasser
le corps et l’âme ». Il est bien évident, que l’âme sera rayonnante, que la circulation sanguine
s’améliorera de même que le mental et le physique, si l’on procède à un décrassage intérieur
et extérieur.
Kokyu ryoku doit donner vie, chez le pratiquant d’aïkido, à un geste aussi simple que lever un
bras ou avancer un pied. Une technique d’aïkido exécutée sans l’emploi de kokyu ryoku, n’est
pas une technique d’aïkido, c’est un champagne sans bulles, une bière éventée.
Kokyu ryoku compris intellectuellement est inutilisable. Il faut l’apprendre par le corps dans
l’exercice de tous les jours, il ne s’assimile qu’après un travail d’empilage. O Sensei dit à ce
sujet : « un travail de trois jours n’est qu’un travail de trois jours, un travail d’un an n’est
qu’un travail d’un an, un travail de dix ans engrange la force de dix ans ».
Sans kokyu ryoku la forme de la technique peut exister mais elle n’est qu’une forme vide.
Sans passer par les techniques, il est impossible de s’imprégner de kokyu ryoku. En outre les
résultats seront différents selon que vous y croyiez ou non.
Les fondements de l'aïkido par
Tamura sensei
SHISEI
Shisei se traduit en français par : position, attitude, posture, pose. Sugata (shi) exprime la forme, la figure, la taille. Ikioi (sei) exprime la force, la vigueur, la vivacité. Shisei contient ces deux sens.
Mais le sens de shisei ne désigne pas seulement une attitude extérieure : une bonne forme, un bon style, un bon maintien, mais aussi, une force intérieure visible de l’extérieur dans sa manifestation, par exemple, la vitalité chez un enfant apparente au travers de sa vivacité, de ses yeux vifs, de ses mouvements…
Gojo, les cinq vertus de Confucius
par Toshiro Suga
SESERAGI N°41 - OCTOBRE 2007
L'influence du Shintoïsme ou du Bouddhisme dans les arts martiaux japonais est parfaitement connue. Par contre, celle du Confucianisme est souvent mésestimée. Toshiro Suga nous révèle aujourd'hui l'importance majeure de cette pensée dans l'histoire japonaise et plus particulièrement dans la caste des samouraïs…
Shoshin ??, l'esprit du débutant
Les arts martiaux japonais sont intimement liés au Bouddhisme, au Shintoïsme, et dans une moindre mesure au Taoïsme et au Confucianisme. Un des concepts hérités du Bouddhisme est celui de shoshin, l'esprit du débutant.
Shoshin consiste à avoir l'attitude et l'état d'esprit de quelqu'un qui s'engage dans une pratique pour la première fois. Une attitude faite d'enthousiasme, de modestie, d'humilité et d'absence de préconceptions.
Shoshin est très souvent illustré par une histoire de sagesse mettant aux prises un maître de zen et un étudiant. Il en existe plusieurs versions mais l'essence est celle-ci:
"Un célèbre maître de zen reçoit un jour la visite d'un homme qui déclare vouloir étudier avec lui. Le maître l'invite à boire le thé pendant que le visiteur lui expose son passé, lui décrit son cheminement spirituel, ses découvertes, ses réflexions et nomme les maîtres qu'il a côtoyés.
Le maître écoute patiemment et recommence à lui verser du thé dans sa tasse déjà pleine. Celle-ci se remplit à ras bord et finit par déborder, le thé coulant tout autour. L'élève s'écrit alors "Que faites-vous?! Ma tasse est déjà pleine!".
Et le maître lui répond "Comment voulez-vous qu'un enseignement pénètre votre esprit alors qu'il est déjà plein comme cette tasse?"
Paroles du fondateur Maître Ueshiba Morihei
Le texte qui suit est une compilation de paroles du fondateur de l'Aïkido.
L'Art de la Paix commence par vous.Il est l'art d'apprendre profondément, l'art de se connaître soi-même.
Chacun a un esprit qui peut être raffiné, un corps qui peut être formé d'une façon quelconque, un chemin approprié à suivre.Votre cœur est plein de graines fertiles, attendant pour pousser. Les différents instructeurs ne peuvent appréhender seulement qu’une partie de l’Enseignement. C’est seulement à travers votre sincérité de pratique que les mystères de l’Art de la Paix sont amenés à la vie.
(C'est à l'initiative de John Stevens, américain maîtrisant la lange japonaise et auteur de nombreux livres sur le sujet, que nous devons la traduction de "Aïkido" par "Art de la Paix" alors que "Voie de l'unité avec le Ki" serait plus juste)
Réflexion
"J'ai mis du temps, mais le temps ne compte plus !
Au début, comme les idiots, je provoquais des passes d’armes, des bruits de ferraille sans effet.
Mon Maître disait : Tu es comme la vague qui heurte la digue et y gaspille son eau à grand bruit. Ce n’est pas la Voie.
Puis, longtemps, j’ai cru qu’il fallait attendre l’ouverture pour frapper.
Mon Maître disait : Tu es comme le drapeau qui attend le vent pour claquer. Ce n’est pas la Voie.
J’ai progressé. Je suis devenu l’autre. Je voyais son attaque, l’ouverture, avant qu’elle ne brille dans ces yeux.
Mon Maître disait : Tu es un bon guerrier qui devine l’adversaire. Ce n’est pas la Voie.
Alors, je suis rentré en moi-même, et j’ai travaillé, longtemps. Et j’ai fini par découvrir ce que je croyais l’ultime Vérité : ma décision ne dépendait que de ma décision. Je portais le coup, unique et définitif, parce que c’était comme cela que ce devait être.
Mon Maître m’a dit : Maintenant, tu es un Maître, mais ce n’est pas encore la Voie.
Il m’a donné son école et s’est retiré dans la montagne. Aujourd’hui, après beaucoup d’enseignement, je sais. Lorsqu’un sabreur observe avec simplicité, sans but autre que celui d’observer, alors ce qu’il observe, il le crée. Il crée le combat, ou l’absence de combat, et tout l’environnement. Et ceci est la Voie."
Texte Taoïste